A propos de l’arabisation en Mauritanie : la Mauritanie a osé s’attaquer à une question tabou dans les politiques africaines Je crois qu’il faut voir ici un réel débat à propos de la politi

Publié le par mala

 

Il faut saluer le courage de la Mauritanie qui vient de s’attaquer à un sujet classé tabou depuis les indépendances. En emboîtant le pas aux pays comme l’Algérie et Maroc qui ont pris leur responsabilité à l’accession à l’indépendance, ce pays nous rappelle qu’il y a une réel problème post-coloniale à laquelle il va falloir trouver une solution et le plutôt. En effet, je crois qu’il faut voir ici un réel débat à propos de la politique linguistique dans les pays africains francophones (pour dire anciennement colonisés par la France). En réalité, en posant le problème en terme de nombre, je crains qu’on propose des solutions superficielles aux problèmes réels.


Dans un premier temps, il faut reconnaître que chaque fois que la question des rapports entre les langues nationales (langues africaines) et le français survient, on a deux camps qui sont les anti-français et les profrançais. Cela est certes une caricature, mais elle traduit ce qui se passe depuis la conférence de Rome en 1956 jusqu’aux réactions des internautes actuellement lorsque la discussion survient dans un pays. C’est dire donc qu’il y a matière à ce sujet. Mais en réalité, cette manière de voir les choses a longtemps biaisé des données de sorte qu’il n’y a que de la subjectivité dans l’air.


Ensuite, et là est le point commun à tous les pays d’Afrique au Sud du Sahara, la question linguistiques est posée surtout dans le cadre de l’éducation et l’environnement juridique de ce volet est généralement faible (peu de textes et pas de mesure d’application). En dehors de quelques filets dans les textes constitutionnels, on retrouve juste des dispositions sur les langues d’enseignement, dispositions à laquelle personne ne s’empresse de donner les moyens d’application.


Pour terminer, il faut qu’il y a un réal malaise africain dont le cas mauritanien n’est qu’une manifestation locale. En effet, comment est-ce que les Etats africains gèrent-ils leur patrimoine linguistique ? Il ne s’agit pas d’opter nécessairement pour la langue du plus grand nombre car dans les politiques linguistiques, il y a bien d’autres logiques. Politique linguistique et démocratie n’ont jamais fait bon ménage, car lorsqu’il s’agira de prendre la langue de la majorité, une autre question surviendra à savoir quelles normes et à partir des pratiques de quel groupe.


Quand la France a adopté le français comme langue des actes juridiques (interprété ensuite pour l’officialisation qui ne n’interviendra qu’en 1995 loi Toubon), il faut dire que la situation n’étant pas en faveur du grand nombre. En France, il y avait 30 et le français n’était parlé que par 3 millions contre 25 et dans 15 provinces contre 83. L’Indonésie a adopté la langue d’une minorité pour cause de « neutralité » en lieu et place de la langue de la majorité et de la langue de l’ancien colon. Les anciens Etats soviétiques ont adopté, comme langue officielle, les langues des minorités de l’Union qui sont devenues des majorités nationales (Ukrainien, Géorgien, Estonien… Les langues sans statut ont souvent des fonctions réelles comme le Kiswahili en Afrique du Sud.


Le choix d’une politique linguistique doit donc tenir compte de plusieurs facteurs comme le besoin de maintenir l’unité nationale et la garantie de la souveraineté. L’arabisation actuelle permettra-t-elle de réunir les conditions de développement socio-économique et culturel du pays ? Je pense que la Mauritanie pose le problème et il appartient maintenant d’engager le débat afin de trouver la bonne solution. Malheureusement, ce débat nous ramène à l’opposition entre négro (langue africaines) et arabo (arabe). Cette manière de voir est surtout reprise en amplifiée par la presse et on perçoit que d’autres enjeux entrent en ligne de compte. Or, le temps est venu d’accorder un statut aux langues locales (arabe et langues negroafricaines) en fixant les domaines d’usage et en encourageant surtout le multilinguisme officielle à l’instar de la Suisse et de la Belgique. Mais là survient une autre question : la Mauritanie a-t-elle les moyens de se payer le luxe d’une administration, d’une école, d’une société multilingue ?

 

Mamadou Lamine SANOGO

Maître de Recherche en sociolinguistique

INSS-CNRST

Ouagadougou

Burkina Faso

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